L'écologie vue par un promoteur immobilier
Lorsque l'on faisait construire en 2005, les préoccupations écologiques faisaient figurent de luxe et des sourires à moitié bienveillants, à moitié condescendants naissaient sur les visages des commerciaux si vous osiez évoquer les performances énergétiques de l'appartement ou de la maison que vous étiez en train de négocier. Soit la question ne se posait pas (évidement, les logements construits à cette époque était économes en énergie, soit il n'y avait rien à faire au motif que « les fournisseurs n'étaient pas prêts », soit … rien du tout, pauvre soixante-huitard attardé...
Depuis, l'explosion du prix du pétrole, du gaz, de l'électricité, la crise « systémique » de 2008, le grenelle de l'environnement et l'évolution de la demande ont conduit les professionnels du bâtiment à totalement réviser leur regard sur les économies d'énergie et surtout leur discours.
Plus de sourires en coin, plus question d'éluder les problèmes qui sont passés du statut de préoccupations de bobo soixante-huitard à celui de critères de choix impactant fortement le portefeuille des clients.
Echanges avec la maison de l'investisseur.
Nous avons récemment échangé avec l'un des dirigeants d'un groupe spécialisé dans l'immobilier, la maison de l'investisseur. Ce groupe est un courtier dans le domaine de l'immobilier: il commercialise des appartements et des maisons pour le compte de promoteurs immobiliers. La maison de l'investisseur n'a pas, particulièrement, la fibre écologique, mais sa vision du problème écologique reflète une évolution intéressante dans le monde du bâtiment. A ce titre, sa position est importante.
La maison de l'investisseur sur les maisons à basse de consommation.
Selon la maison de l'investisseur, les maisons à basse consommation (BBC) impliquent actuellement (2011) un surcoût d'environ 6 à 10% sur le prix d'une maison par rapport aux maisons classiques que la loi oblige de toute façon à être moins gourmande en énergie que leurs ainées. Une disposition appelée la RT 2005 oblige les constructeurs de maison individuelle à construire des logements moins gourmands en énergie (moins de 130kwh/m2/an).
La maison de l'investisseur explique à ses clients que cela représente un surcoût d'environ 60 euros par mois sur la période de financement d'une maison classique. Et de montrer que compte tenu des économies de chauffage associées, le financement est quasi intégralement assuré par la réduction de la facture énergétique de la maison.
Nous estimons, de notre côté que la maison de l'investisseur, sans jouer les oiseaux de mauvais augures, devrait souligner le fait que le coût de chauffage d'un appartement est appelé à augmenter de façon très sensible. La facture de chauffage des pays occidentaux doublera beaucoup plus rapidement que l'on ne pourrait s'y attendre : la course aux matières premières est engagée au niveau mondial (les pays émergents désirant eux aussi occuper des logements bien chauffés et en ayant désormais les moyens, grâce à des économies qui surperforment celles des pays occidentaux.
Nous prévoyons que la maison basse consommation est un investissement rentabilisé en 7 ans au rythme où progresse le coût du chauffage actuellement.
Pourquoi la maison de l'investisseur ne met pas plus en avant ces arguments qui paraissent centraux?
A une époque où l'on s'endette pour partir trois fois en vacances dans l'année ou pour se payer le dernier forfait iphone de Bouygues et où les média ne cessent de nous dire « fais-toi du bien tout de suite et pour te faire du bien consomme », ce discours fait figure de rétrograde.
Et pourtant, quand on investit, on augmente son pouvoir d'achat. Pas tout de suite, pas le mois prochain, mais à un horizon de deux ou trois ans, on gagne en pouvoir d'achat.
Si tous nos concitoyens étaient bons en maths, cela leur sauterait aux yeux comme une évidence. Mais tous nos concitoyens ne sont pas bons en maths et c'est probablement pour cette raison que la maison de l'investisseur n'insiste pas plus que cela sur cet argument, qui renvoie par ailleurs à un contexte économique appelé à se durcir, ce qu'il n'est jamais bon d'évoquer en rendez-vous commercial où l'on encourage à s’engager sur l’avenir.
Autre détail important sur le marché de l'immobilier : la maison de l'investisseur indique également que les deux tiers des ventes de logements neufs se font dans le cadre d'investissements locatifs contre seulement un tiers de personnes qui font construire pour y habiter. Or évidement, lorsque l'on achète pour louer, la question du chauffage qui impacte le locataire se pose dans d'autres termes. Le surcoût qu'assume le bailleur peut difficilement être répercuté sur le prix du loyer car ce n'est pas un critère de choix très haut placé dans la liste des locataires, au moment du choix de l'appartement.
La stratégie écologique de la maison de l'investisseur
Il n'y en a pas. La maison de l'investisseur est un acteur ordinaire dont la mission est de s'adresser au marché le plus large. Comme la majorité des acheteurs considère l'argument écologique comme secondaire (après le prix, la fonctionnalité, l'emplacement, le confort) et que les promoteurs ne vont vers l'écologie que contraints forcés (par la loi qui impose des constructions de moins en moins gourmandes en énergie), la maison de l'investisseur suit le marché, entre les contraintes de l'offre et de la demande. Plus les promoteurs proposeront de logement basse consommation, plus la maison de l'investisseur en proposera.
Plusieurs mouvements peuvent pousser les promoteurs à proposer des logements BBC :
- la loi : elle a déjà prévu qu'à compter de 2012, les nouveaux logements devront tous être en basse consommation.
- les collectivités locales qui peuvent parfaitement n'accorder de permis de construire qu'aux projets de construction BBC.
La maison de l'investisseur souligne qu'au rythme où vont les choses, seule une minorité des logements français seront BBC à l'horizon 2025. En effet, la construction de 300 000 à 450 000 nouveaux logements est lancée chaque année. Or, il existerait selon l'INSEE quelques 32,5 millions de logements, dont 3 millions de résidences secondaires. A compter de 2012, 100% des nouveaux logements, soit 450 000, seront BBC (le parc en compte aujourd'hui, un nombre marginal).
Donc, 13 ans plus tard, en 2025, il y aura un peu moins de 5 millions de logements BBC, sur probablement 35 millions, soit un peu moins de 14%.
Les écoquartiers et la maison de l'investisseur
La maison de l'investisseur précise également, par rapport aux écoquartiers, que ces derniers présentent un avantage non négligeable pour les promoteurs immobiliers. Dans le cas d'une construction classique, une demande de permis de construire est bloquée dans 80% des cas par le voisinage souvent poussé par des avocats spécialisés. Les projets sont ainsi souvent retardés.
Les constructions réalisées dans les écoquartiers sont réalisées d'un point de vue administratif dans le cadre de ZAC, dont le cadre règlementaire change : impossibilité pour des tierces parties de contester le permis de construire. Du point de vue des promoteurs, la construction dans un écoquartier présente donc des avantages dont des écolos, comme vous ou moi, ne soupçonnent même pas l'existence.
Statistiques sur les logements construits chaque année
110 000 correspondent à des logements collectifs sociaux
120 000 à des logements collectifs privés
Le reste est constitué par les maisons individuelles.