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Le faux plan en faveur des abeilles, insectes pollinisateurs et de la pollinisation

Le gouvernement a lancé une consultation sur un prétendu plan de protection des abeilles contre les insecticides qui me semble insuffisant. J'ai donc transmis une contribution dans le cadre de la consultation publique qui a lieu autour de ce plan.

 

Grossièrement, le plan prévoit d'autoriser durant les 10 prochaines années l'épandage de glyphosate, mais à condition que cet épandage ait lieu en fin de journée et peu durant les périodes de floraison. Cela permettrait de protéger les insectes. Or, le glyphosate, une fois épandu, reste sur la fleur. Si l'abeille revient le lendemain matin sur la fleur, le glyphosate y est encore présent, peu importe que l'abeille n'ait pas été présente durant l'épandage.

Ce texte ne résout selon moi, pas le problème.

J'ai, donc, fait part de mon point de vue sur ce texte, en le replaçant dans le contexte de la renaturalisation d'un terrain agricole que j'ai entrepris à la limite de la Beauce et du Perche.

Texte de ma contribution à la consultation publique sur ""Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation.

J'ai racheté un terrain agricole de 3ha, il y a de cela 15 ans pour lui permettre de se "reposer" après 30 d'exploitation intensive, d'érosion des sols, de pollution de la nappe phréatique et de chute de la biodiversité.

Je l'ai depuis, transformé en forêt de chênes et de charmes, ce qui m'a permis de devenir négatif en carbone tout en favorisant la biodiversité. C'est un vrai succès: 20 000 arbres recouvrent désormais le terrain 10 à 30 nouvelles espèces de végétaux apparaissent tous les ans entrainant avec eux le retour des insectes associés.

En revanche, je ne vois que très peu d'abeilles, car dans les champs attenants, les agriculteurs continuent d'épandre de grandes quantités de glyphosate, y compris lorsqu'il y a du vent, ce qui a pour conséquence de pousser les nuages de glyphosates sur mon terrain de même que dans les jardins avoisinants. Le glyphosate contamine donc l'espace protégé que j'ai recréé, contribuant à empêcher les abeilles de le repeupler.

A travers ce projet, j'ai apporté ma contribution à la réparation de l'environnement que vous et moi avons contribué à dégrader.

Je sais que se passer du glyphosate est très difficile compte tenu de son efficacité sans égal. On le voit dans le simple entretien d'un chemin d'accès: sans glyphosate, il est difficile de maintenir un chemin en état.

Conscient de cela, j'aimerais que les pouvoirs publics renforcent la protection de notre environnement contre le glyphosate et des autres insecticides tueurs d'abeilles.

Je demande la réévaluation immédiate des insecticides qui ont obtenu des dérogations sur la base de tests obsolètes.L'arrêté prévoit que les insecticides aux effets jugés négligeables pour les abeilles sur la base de tests obsolètes ne soient pas réévalués tout de suite, mais seulement au moment du renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché, qui peut avoir lieu dans 5 ou 10 ans !Après huit années de perdues pour les pollinisateurs, pendant lesquelles les firmes agrochimiques ont bloqué, au niveau européen, la mise en place de protocoles d’évaluation des pesticides plus protecteurs pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages –– huit années pendant lesquelles la France avait le choix d’appliquer ces protocoles sur son territoire, mais ne l’a pas fait…… il faudra attendre des années supplémentaires pour que les pesticides autorisés sur la base de protocoles obsolètes, partiellement rédigés par l’agrochimie elle-même, soient enfin réévalués et éventuellement retirés du marché. C’est inacceptable, et ce délai doit être abrogé.

Je refuse qu’un pesticide qui décime les abeilles puisse tout de même être mis sur le marché et déversé par centaines de tonnes chaque année dans notre environnement.Les États membres de l’Union européenne sont sur le point de s’accorder sur un taux de « mortalité acceptable » des colonies d’abeilles de 10 %. Cet arrêté ne précise pas quels seront les objectifs spécifiques de protection retenus en France. Il est pourtant impératif que la France maintienne au moins son ambition protectrice de 7 % ou intègre des facteurs de protection additionnels, en particulier dans le cadre d’un arrêté spécifiquement conçu pour protéger les abeilles pendant la période de pollinisation, quand elles sont le plus exposées.

Je demande des tests de toxicité fiables et efficaces pour écarter immédiatement du marché les pesticides nocifs pour les abeilles et tous les pollinisateurs sauvages.L’arrêté ne précise pas quels seront les tests menés par l’ANSES lors de l’évaluation des pesticides évoquée à l’article 2. Pour être efficace, cette évaluation devrait intégrer tous les essais recommandés par l’ANSES (saisine n° 2018-SA-0147), en incluant aussi des tests pour l’évaluation de la toxicité sublétale et de la toxicité sur les bourdons et les abeilles solitaires, et suivant une approche pragmatique intégrant tous les essais désormais validés ou en cours de validation, y compris les essais pour les bourdons et les abeilles solitaires, et fondée sur les critères d’acceptabilité établis par l’EFSA dans le document guide de 2013. Ceci permettrait de garantir une protection accrue non seulement des abeilles domestiques mais aussi d’autres pollinisateurs, ainsi que de renforcer la prise en compte des effets chroniques, sublétaux et synergiques.

Je demande que tous les pesticides soient soumis à cette protection additionnelle, y compris les pesticides systémiques utilisés en enrobage de semences.Certains pesticides comme les néonicotinoïdes sont appliqués sur la semence et diffusés par la plante elle-même, et sont donc utilisés de façon systématique, qu’il y ait menace de ravageurs sur les cultures ou non, s’accumulant ainsi en quantités industrielles dans l’environnement. L’arrêté ne précise pas si ces pesticides seront bien soumis à cette réglementation, ce qui doit impérativement être le cas pour épargner rapidement des millions de pollinisateurs.

Je refuse que les abeilles et les pollinisateurs sauvages servent de cobayes dans leur environnement naturel.Alors même que ce « Plan » est censé protéger les pollinisateurs, son article 3 prévoit des expérimentations de « nouvelles technologies », directement dans le milieu naturel des pollinisateurs, et même en période de floraison. Il faut au contraire appliquer avec rigueur le principe de précaution et soumettre ces technologies aux mêmes contraintes d’évaluation que les pesticides qu’elles sont censées compléter ou remplacer.

© 2008- . Tous droits réservés Raphaël Richard